Je m’appelle Louise, j’ai 24 ans et je vis à Paris. Je viens de terminer une école de commerce mais je suis surtout artiste et passionnée par l’art, les gens qui m’entourent et les témoignages sous toutes leurs formes. Cette newsletter est mon journal de bord. Vous y trouverez de mes nouvelles et des recommandations artistiques et culturelles. Bonne lecture !!
Coucou tout le monde,
J’espère que vous allez bien !!
Je vous écris depuis mon train pour Rennes. Merci à la panne de wifi de mon TGV qui m’a obligée à sortir mon carnet et à faire une ébauche de cette newsletter !
Ce matin, en faisant ma valise, j’écoutais le dernier épisode du podcast Génération XX. Siham y raconte ce que ça fait d’enregistrer le dernier épisode de son podcast avec justesse, profondeur et un très joli montage sonore. Elle raconte qu’en août dernier, elle a choisi d’écouter son intuition et de clôturer son podcast au centième épisode pour “commencer un nouveau cycle”. Elle poursuit :
Ce que j’ai tenté de faire depuis 4 ans, c’est d’avancer librement, sans me laisser enfermer ou moi-même m’enfermer dans des cases. C’est ce que j’aimerais continuer à faire. Où, quand, quoi, comment ? Ce ne sont pas les idées qui me manquent et pour paraphraser un de mes artistes préférés, j’ai même le vertige quand je pense à tout ce que j’aimerais accomplir. Mais je crois que la première étape sera de prendre le temps, encore. Prendre le temps de faire de la place pour trouver un peu de silence au milieu du bruit. C’est une des conditions pour mieux écouter. Pour mieux s’écouter aussi. Pour réfléchir plutôt que suivre. Pour agir plutôt que réagir. Et après ? On verra bien.
Quelques minutes plus tard, je suis tombée sur le dernier post instagram de l’artiste Mai Hua :
(…) ig m’était essentiel, utile, m’enthousiasmait, me cultivait, me connectait à vous, mais ig me coûtait aussi. une addiction savamment orchestrée par ses fondateurs et devenue angoissante pour moi. (…) je suis revenue 2-3 fois 24h depuis décembre. la meme séquence à chaque fois, de la joie, de la passion même, et puis ça se transforme en scrolling long comme la tour eiffel. ça me faisait chier et puis auj, ça me va. voilà mon nouvel équilibre : une vie essentiellement sans rs (les appli sont désinstallées), et puis 24h de temps à autre. une fois par mois peut être. pour prendre des nouvelles, vous en donner, et vous embrasser (…)
Tout d’un coup, je me suis rappelé ces (rares) moments dans ma vie où, sans réseau ni wifi, j’ai éprouvé ce vide. Les longs dimanches après-midi de mon enfance où je sentais les heures passer et où il fallait inventer des jeux et des mondes sans l’aide de personne pour ne pas mourir d’ennui (bon, avant la sortie d’Adibou). Ce vide, je l’ai aussi ressenti très fort lors d’un séjour de deux mois au Ladakh, où je n’avais littéralement rien à faire de 17h à 22h à part papoter avec ma coloc’ de chambre et dessiner mon carnet de voyage.
Pour mon mémoire de fin d’études l’année dernière, j’ai fait des recherches sur la créativité. Et d’après la psychologue et chercheuse britannique Sandi Mann :
L’ennui est une recherche de stimulation neuronale qui n’est pas satisfaite. Si nous ne la trouvons pas, notre esprit la crée. Il n’y a pas d’autre moyen d’obtenir cette stimulation, vous devez donc chercher dans votre esprit. Rêvasser est un facteur clé dans la créativité, nous permettant de reformuler mentalement des problèmes et des situations.
En 2016, un article de Welcome to the Jungle mettait en avant les bienfaits de l’ennui et de la contemplation dans la créativité. Il citait notamment la psychothérapeute Odile Chabrillac, autrice de Petit Eloge de l’Ennui :
Contrairement à la paresse ou à l’oisiveté, l’ennui est un espace de non-faire, voire de non-être. C’est une rupture dans notre manière d’être qui nous déstabilise. Un espace perçu comme pénible, terne, qui crée le malaise. La première confrontation avec l’ennui n’est donc pas agréable. Mais on peut l’apprivoiser. L’ennui est un souci tant qu’on y résiste.
Ces derniers temps, je me suis sentie dépassée par la quantité d’information à digérer. Il faut dire qu’en plus de mes correspondances quotidiennes sur Messenger et Whatsapp, je suis abonnée à 1164 comptes instagram et à une vingtaine de newsletters (dont certaines, comme celle de Philosophie Magazine, arrivent tous les jours dans ma boîte mail). Jusqu’à l’automne, la réception d’une newsletter était pourtant un joyeux évènement et je savourais ces lectures qui me nourrissaient beaucoup.
La limite des newsletters, et ce pour quoi elles sont si précieuses aux créateurs de contenus, c’est que passé le moment de l’inscription, le lecteur ne choisit pas de la recevoir ou pas - contrairement aux podcasts que l’on doit télécharger, ce qui permet à chacun·e de piocher des épisodes par-ci par-là et de réguler sa propre consommation. Ces dernières semaines, la simple vue des mails non lus dans ma messagerie est devenue anxiogène, alimentant chez moi une sorte de FOMO de l’information.
Tout ça me rappelle certaines conversations qu’on a eu avec Siham, pendant mon stage chez génération xx, sur le dilemme impossible entre l’envie de s’exprimer et de diffuser sa parole dans l’espace public et cette gêne à contribuer à la surcharge d’information, à ce brouhaha usant.
Pour l’instant, j’ai trouvé un compromis qui me va.
D’abord, faire moins et mieux - à contre-courant d’une des règles d’or de la création de contenu qui dit qu’il “vaut mieux faire un peu moins bien et être régulier”. Bien sûr, la régularité reste un atout lorsque le contenu est irréprochable (c’est le cas du podcast Change ma Vie, par exemple) mais c’est rare et je finis toujours par me désabonner des contenus qui “parlent pour ne rien dire”. A une époque où notre attention est constamment sollicitée (et c’est très bien expliqué dans The Social Dilemma), je crois qu’il est important de respecter le temps de celleux à qui l’on s’adresse.
J’ai aussi envie de retrouver un peu de silence pour garder une qualité d’écoute - parce qu’arrivé à saturation, mon cerveau n’arrive plus à traiter l’information. Et en tant qu’artiste et rédactrice de cette newsletter, pour garder de la clairvoyance et de l’indépendance. Autrement dit : j’ai vraiment besoin de me retrouver seule avec moi-même pour pouvoir écrire une newsletter incarnée et faire des dessins qui me ressemblent.
Dans l’objectif d’avoir une meilleure “hygiène de l’attention”, j’ai commencé par faire comme Mai Hua et désinstaller l’application instagram. Après un gros tri de mes abonnements instagram le mois dernier, je commence également celui des newsletters. Je m’inspire un peu de la technique de tri de Marie Kondo. Si la newsletter ne m’est pas utile, ne me touche pas ou ne m’apporte pas “une étincelle de joie”, je me désabonne. Je veux enfin venir à bout de mon réflexe d’écouter un podcast à chaque fois qu’un moment de vide se présente. Bien sûr, l’idée n’est pas de me couper du monde mais de mieux m’armer face au flot infini d’information, de reprendre le contrôle de mon temps, et de réussir à m’ennuyer de temps en temps.
Même le livre Libérez votre créativité, écrit par Julia Cameron dans les années 1990 (avant l’arrivée internet), le dit :
Si vous restez coincé·e dans votre vie ou dans votre art, il n’y a pas de solution plus efficace que de se priver de lecture pendant une semaine. Pour la plupart des artistes, les mots sont comme de petits tranquillisants. Nous avalons notre quota journalier de bavardage médiatique. Comme une alimentation trop grasse, cela encrasse notre système. En vidant notre vie de distractions, nous allons en fait remplir le puit. Sans distractions, nous sommes immédiatement plongé·es dans le monde des sensations.
Et puis :
Se priver de lecture est un outil très efficace mais aussi très effrayant. Pour la plupart des créateur·rices bloqué·es, la lecture est une addiction. Nous gobons les mots des autres plutôt que de digérer nos propres pensées et sentiments, plutôt que de concocter quelque chose de notre cru. Mais tôt ou tard, si vous ne lisez pas, vous allez être à court de travail et bien obligé·e de jouer.
Autant vous dire que vous n’avez pas fini d’entendre parler de ce livre !!
Ma revue de presse
Faite avec le coeur.
Cet épisode du podcast Histoires de succès avec la brillante, drôle et très libre Maïa Mazaurette, autrice et chroniqueuse sur les questions de sexualité. Elle est aussi dessinatrice et illustre elle-même ses articles - dans Les Couilles sur la Table, je l’avais d’ailleurs écouté parler de l’importance d’érotiser les hommes, elle qui les fait poser pour ses peintures érotiques. (Et l’épisode Sortir la tête du trou était super aussi). Avec FabFlo, ils parlent évidemment sexe, corps et féminisme, mais aussi de sa vie d’expatriée, de bad buzz, et de conflit intergénérationnel. Je suis définitivement conquise par son intelligence, sa franchise, sa grande liberté d’esprit, et la sérénité qu’elle a vis-à-vis des gens qui ne sont pas d’accord avec elle.
La newsletter hebdomadaire de Louie Media, rédigée avec talent par Agathe Hocquet. J’adore ses textes incarnés, plein d’humour et riches de recommandations culturelles et artistiques.
Le coeur sur la table, le nouveau podcast génial de Victoire Tuaillon qui déconstruit l’amour et ses mythes. (J’ai trouvé les épisodes La princesse et l’escalator et Cendrillon, Platon et une moitié d’orange particulièrement intéressants).
The Great Women Artists : une newsletter pointue, un compte instagram pour découvrir les oeuvres d’artistes femmes contemporaines, un podcast que j’ai commencé à écouter avec une super interview de l’illustratrice londonienne Polly Nor. Tout ça par l’historienne et curatrice d’art Katy Jessel. (Merci Margaux pour la reco !! <3)
Le podcast Belge de Jour, une auto-fiction en 8 épisodes qui m’a rappelé des vieilles histoires. La narratrice y raconte son histoire d’amour rocambolesque avec un séduisant prof de philo. Son récit est entrecoupé d’extraits sonores pop culture qui m’ont bien fait rire. (PS: j’ai commencé à vraiment accrocher vers le 3ème épisode). Une très bonne recommandation du compte instagram Passion Podcast !
“A Breakup Letter to my writing career”, un texte touchant du journaliste et romancier italien Francesco Pacifico adressé à sa carrière d’écrivain.
But I fear that you’re not acting out of love, that you’re doing all this only to enhance your reputation. I still love writing, you see, but I don’t think I love you anymore.
La série En thérapie sur Arte. Je ne peux plus m’arrêter, je crois bien que je vais regarder les 35 épisodes. Je ne trouve pas tout parfait : les patients me semblent parfois agressifs au-delà du crédible, certaines histoires un peu tirées par les cheveux et le contexte des attentats de 2015 parfois traité de façon annexe. Mais je suis très impressionnée par certains acteurs et fascinée par cette intrusion dans l’espace de la psychanalyse.
Le site Nitch (et son compte instagram) qui rassemble des citations d’artistes iconiques sur l’identité, la vie, l’art. (C’est plus '“deep” que ça en a l’air comme ça).
Le dernier épisode du podcast Passages “Tu seras féministe Maman”, qui raconte l’évolution de la relation entre Mina et sa mère Océane, à travers leurs deux points de vue. Océane, très ouverte d’esprit et sans jugement, donne à Mina une éducation féministe : elle lui apprend à connaître son corps, à ne pas en avoir honte et à savoir dire non. A 26 ans, Mina quitte son emploi de rédactrice pour devenir travailleuse du sexe. Océane accueille la nouvelle avec une confiance en sa fille et une sérénité qui m’ont troublée et touchée. On assiste progressivement à inversement dans la dynamique de transmission entre Mina et sa mère. Merci à mon amie Emma pour la reco !
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui !
J’espère que vous apprécié la lecture de cette newsletter.
Si c’est le cas, n’hésitez pas à la recommander à un·e ami·e et à vous abonner si ce n’est pas déjà fait. N’hésitez pas à me répondre si vous avez des suggestions à me faire :-)
A bientôt !
Vive Marie Kondo, vraiment c'est beaucoup trop important l'hygiène de l’attention. J'ai l'impression d'être tout le temps submergé d'information. Je n'ai pas envie de rater une seule miette de cette vie mais je dois m'y faire sinon je vais avancer au ralenti. Une bouffé d'air frais cette newsletter, merci infiniment.