Je m’appelle Louise, j’ai 24 ans et je vis à Paris. Je viens de terminer une école de commerce mais je suis surtout artiste et passionnée par l’art, les gens qui m’entourent et les témoignages sous toutes leurs formes. Cette newsletter, qui arrivera environ deux fois par mois dans votre boîte mail, est mon journal de bord. Vous y trouverez de mes nouvelles et des recommandations artistiques et culturelles. Bonne lecture !
Coucou à tous !!
J’espère que vous allez bien.
Je vous avoue qu’écrire cette newsletter m’a un peu stressée. Surtout à cause de Siham (@générationxx) qui l’a gentiment recommandée dans sa dernière newsletter ! J’étais jusqu’alors dans une totale zone de confort, avec un lectorat essentiellement constitué d’ami·es. Evidemment, je suis ravie, merci Siham !! Chers nouveaux, chères nouvelles, j’espère que cette newsletter vous plaira :-)
Vous ne me rencontrez pas au plus facile de ma vie d’artiste. Ces dernières semaines, je me suis sentie bloquée, et dans ma dernière newsletter je racontais ma prise de conscience sur mon envie d’autonomie et de stabilité financière. Action, réaction ! Lundi, j’ai commencé à travailler à mi-temps - tenez-vous bien - pour un jeune cabinet spécialisé dans le “management de transition” (une niche dans le milieu du recrutement). Je connaissais le fondateur qui m’a proposé de travailler pour lui, le temps pour moi de trouver du travail. Je vous imagine en train de lire ces lignes et de vous demander si je n’ai pas totalement déraillé. Je me suis demandée si j’allais encore intéresser les gens si je devenais une jeune cadre dynamique et j’ai hésité à garder le silence sur ce nouveau job.
Avec du recul, c’est assez idiot de ma part. Déjà, parce que je ne devrais pas avoir honte d’un job qui me permet non seulement de percevoir un revenu régulier mais aussi d’avoir du temps pour mes projets artistiques (lucky me !). Ensuite, parce que ce travail ne me définit pas, que l’on peut être plusieurs choses à la fois et que fréquenter des milieux et des gens différents peut amener de bonnes choses : sortir de sa bulle, confronter des visions du monde différentes.
Et pour l’anecdote, le fondateur de ce cabinet de recrutement, Igor, est aussi auteur de romans et poète. Il y a 3 ans, j’ai dessiné la couverture de son premier roman de science-fiction, Vapeur Girl. Depuis, nous avons travaillé ensemble sur son recueil A Nu Paris (des petits textes courts, déjantés et poétiques que j’adore) pour lequel j’ai réalisé une quinzaine d’illustrations. Tout ça pour dire qu’il y a plein de façons de créer et que l’on est souvent plus libre que ce que l’on croit.
Le vrai danger : devenir une “artiste fantôme”
Hier soir, je me replongeais dans la lecture de “Libérez votre créativité” (“The Artist Way”) de Julia Cameron, célèbre romancière et scénariste américaine qui a commencé à enseigner la créativité dans les années 1990 (alors que le sujet n’était pas encore à la mode). Je lis rarement des livres de développement personnel, mais j’ai si souvent entendu parlé de celui-ci que j’ai fini par l’acheter (et pour l’instant, je bois les paroles de Julia Cameron). Hier soir, donc, je suis tombée là-dessus :
Un de nos besoins primordiaux, en tant que créateur, c’est le soutien. Les jeunes artistes ont besoin et désirent être reconnus pour leurs tentatives et leurs efforts. Malheureusement, nombreux sont ceux qui ne reçoivent jamais ces premiers encouragements si vitaux. Les parents répondent très rarement : '“Essaie et tu verras bien ce qui arrivera” aux désirs artistiques formulés par leurs enfants. Souvent avec les meilleures intentions, les parents essaient de forger une personnalité différente, plus raisonnable pour leur enfant. “Arrête de rêver ! ” est une réprimande fréquemment entendue. “Tu ne feras jamais rien si tu continues à avoir la tête dans les nuages”. “L’art ne va pas payer tes notes d’électricité”. De jeunes artistes timides, qui ajoutent à leurs propres peurs celles de leurs parents, abandonnent souvent leurs rêves ensoleillés de carrières artistiques, s’installant dans le monde crépusculaire des regrets. C’est là, pris entre le rêve d’agir et la peur d’échouer, que naissent les “artistes fantômes”.
Cette expression “artiste fantôme” m’a fait froid dans le dos. Le schéma m’est familier. Mes parents sont généreux et aimants, mais pas du tout artistes et un peu inquiets pour moi. Je n’ai pas toujours eu la confiance et l’aplomb pour dire : “Fuck!”. (Heureusement, ça évolue dans le bon sens).
Elle continue :
Trop intimidés pour devenir artistes eux-mêmes, ayant trop souvent une trop mauvaise image d’eux-mêmes pour simplement reconnaître qu’ils ont un rêve artistique, les artistes fantômes finissent par s’assujettir aux artistes reconnus. Ils gravitent autour de leur tribu légitime et, pourtant, ne peuvent revendiquer leur droit de naissance. Très souvent, c’est l’audace et non le talent, qui fait d’une personne un artiste et d’un autre un artiste fantôme.
Là aussi, je m’y retrouve : parce que je n'ai pas assez confiance en moi, je finis par aider d’autres artistes et je me retrouve dans un mauvais compromis où je ne crée pas, sans gagner très bien ma vie pour autant. Cette semaine, j’ai dit à Margaux que je ne travaillerais pour elle que jusqu’à fin février - et Dieu sait combien j’admire Margaux et son travail ! Mais je dois mettre mon énergie dans mes propres projets.
L’autrice poursuit :
Il faut une personnalité très forte et beaucoup de courage pour dire à un parent certes bien intentionné mais dominateur : “Attends une minute ! Je suis aussi artiste!”. Ce parent donnera peut-être une réponse redoutable : “Comment le sais-tu ?” Et bien sûr, l’artiste novice ne sait pas. Il y a juste ce rêve, ce sentiment, ce besoin, ce désir, rarement des preuves concrètes, mais le rêve continue à vivre. Pour les artistes fantômes, la vie peut être une expérience frustrante, laissant le sentiment de n’être pas arrivés au but et de n’avoir pas honoré leurs promesses. Ils veulent écrire. Ils veulent peindre. Ils veulent être comédiens, faire de la musique, danser… mais ils ont peur de se prendre au sérieux. Afin de passer du royaume des ombres à la lumière de la créativité, les artistes fantômes doivent apprendre à se prendre au sérieux.
Si juste, et si simplement dit ! Je vous laisse méditer là-dessus, et je vous recommande vivement la lecture de “Libérez votre créativité” - qui s’adresse particulièrement à celles et ceux qui se sentent un peu inhibé·es, qui ont l’impression d’avoir renoncé à des rêves et qui aimeraient retrouver une vitalité et une énergie créative (dans tous les domaines). Le livre comprend tout un programme d’exercices. J’ai déjà repris la vieille habitude des pages d’écriture au réveil - conseillée par la coach Clothilde Dussoulier et la journaliste Géraldine Dormoy. Deuxième grand conseil de Julia Cameron pour dépasser ses blocages créatifs : nourrir l’artiste en soi. Ça tombe très bien : la semaine prochaine, je participe à un atelier d’écriture avec l’école Les Mots (Siham a encore frappé). J’ai hâte.
Je vous laisse sur cette petite citation de Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estès.
“ Il faut refuser de perdre votre temps avec ceux qui ne vous soutiennent pas dans votre art, dans votre vie. C'est dur mais c'est vrai. Sinon, vous allez mener une vie réduite qui va geler toute pensée, tout espoir, vos dons, l'écriture, la peinture, le théâtre, la danse..”
Ma revue de presse
Faite avec le coeur.
J’ai enfin terminé le cycle de cours de philo de Marie Robert consacré à l’art. Je ne peux que vous recommander ses cours en ligne accessibles et interactifs, qui donnent aussi accès à une boîte à outils et une bibliographie riches. Comme sur son compte instagram, où elle partage chaque jour une petite réflexion, Marie nous permet de nous approprier la philosophie pour en faire un outil pour nos questionnements quotidiens, je trouve ça génial.
“Outside In”, une envoûtante expérience voyeuriste. Dans cette vidéo de 13 minutes, le réalisateur iranien Nima Nourizadeh zoom sur l’intérieur de ses voisins et nous plonge dans des moments intimes de leur quotidien. Ce film m’a fascinée ( ce n’est pas un hasard : si je pouvais choisir un pouvoir, ce serait sûrement l’invisibilité, pour pouvoir observer les gens sans qu’ils le sachent, visiter leur maison, etc).
Cet épisode du podcast Fracas avec Andréa Bescond, qui y raconte son combat contre les violences sexuelles sur mineurs. J’ai aimé l’écouter, mais j’ai décroché de son film Les Chatouilles que je n’ai pas trouvé très fin (je n’ai pas accroché aux dialogues et au jeu d’acteurs). Sur le sujet de l’inceste, je vous recommande plutôt l’excellent film danois Festen, de Thomas Vinterberg : à l’occasion des 60 ans d’un père de famille bourgeoise, sort un lourd secret familial. Le film, glaçant, nous fait voir les conséquences destructrices de l’inceste et nous met face à toute la violence de sa silenciation. Enfin, si vous ne l’avez pas encore écouté, je vous recommande le brillant, bouleversant podcast Ou peut-être une nuit de Charlotte Pudlowski, qui examine les mécanismes de silenciation autour de l’inceste.
La série Netflix “Pretend it’s a City”, une sorte de one-woman show en 7 épisodes. On y suit des conversations entre Martin Scorsese et sa grande amie Fran Lebowitz, une autrice/humoriste/actrice de 70 ans, très douée pour parler de la société américaine, de sa vie à New York et de plein d’autres choses avec cynisme, humour et punchlines aiguisées.
« J’adore chanter, mais je chante très mal. On peut aimer faire quelque chose en étant mauvais. À mon avis, on peut être aussi nul que l’on veut et il n’y a pas de mal à être médiocre, mauvais, voire affreux, mais gardons ça pour nous. Ne le partageons pas. Aujourd’hui, les gens montrent absolument tout. Je n’y vois pas de problème moral mais je m’interroge sur les capacités de jugement de ces jeunes qui ont toujours vécu dans ce monde. » (Crédits traduction @LesGlorieuses).
Le compte instagram @balancetastartup dédié à la libération de la parole dans l’univers des startups, “parce que le baby-foot c'est cool, mais le droit du travail c'est encore mieux”. Ce compte, qui agrège des témoignages anonymes sur les conditions de travail dans les startups, est une bonne piqûre de rappel pour les entrepreneurs ! ( et nous incite à ne pas trop idéaliser les startups).
Cette vidéo de Margaux Brugvin sur Sonia Delaunay. Il y a quelques années, j’avais découvert la vie romanesque de la peintre dans un épisode de l’émission “Une vie une oeuvre” (Sonia Delaunay : des couleurs dans les yeux ). L’épisode était très documenté et passionnant. Si c’est un peu long pour vous, la vidéo de Margaux dit tout et permet de découvrir son oeuvre en images.
Cet épisode du podcast Grand bien vous fasse sur les vertus des sentiments négatifs, recommandé par ma copine Diane. Plusieurs psychologues, journalistes, thérapeutes, discutent de l’utilité de regarder ses défauts et ses sentiments négatifs en face et des dérives de la pensée positive. Tout le monde n’est pas d’accord et la conversation est nuancée.
Ça m’a rappelée cet article de Mai Hua sur Spinoza. Elle y cite ce beau poème amérindien qui résonne avec le propos de l’épisode : l’utilité de reconnaître ses côtés sombres pour ne pas les nourrir.
“En tout homme, il y a deux loups”, dit le vieux sachem.
”L’un est sûr de son dû, effrayé de tout, donc colérique, plein de ressentiment, égoïste et cupide, parce qu’il n’a plus rien à donner.
L’autre est fort et tranquille, lucide et juste, disponible, donc généreux, car il est assez solide pour ne pas se sentir effrayé par les évènements.”
Un enfant qui écoute l’histoire lui demande :
- Mais lequel suis-je alors ?
- Celui que tu nourris”Le roman “Certaines n’avaient jamais vu la mer”de Julie Otsuka, découvert grâce à mon amie Emma qui est en train de dévorer toute la littérature à vitesse grand V et parle de ses lectures sur son compte instagram. Au début du XXème siècle, des centaines de japonaises ont tout abandonné pour rejoindre un mari inconnu sur la côté ouest des Etats-Unis, sur la foi d’un simple portrait. Dans un choeur de voix, elles racontent l’exil, le bateau, la nuit de noces, la déception, le travail aux champs, la pauvreté, les enfants, la guerre et l’oubli. Ce petit livre est un bijou d’écriture, très touchant, qui révèle la violence d’un épisode de l’histoire que j’ignorais complètement.
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui !
J’espère que vous apprécié la lecture de cette newsletter.
Si c’est le cas, n’hésitez pas à la recommander à un·e ami·e et à vous abonner si ce n’est pas déjà fait. N’hésitez pas à me répondre si vous avez des suggestions à me faire :-)
A bientôt !
Mais c'est incroyable, chaque newsletter est une explosion de nouveauté, de sujets si différents et inspirants à la fois. Je suis éblouie par tellement de recommandation, je vais vite enfiler mes lunette de soleil pour continuer de lire mais aussi d'écouter les podcasts ! Merci beaucoup Louise 🤩
Louise, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette newsletter ! Merci pour ce partage franc, frais et intelligent !
Je me suis sentie très concernée par les problématiques discutées. Coïncidence ? Je ne pense pas ... (Thelma & Louise)