Je m’appelle Louise, j’ai 24 ans et je vis à Paris. Je viens de terminer une école de commerce mais je suis surtout artiste et passionnée par l’art, les gens qui m’entourent et les témoignages sous toutes leurs formes. Cette newsletter est mon journal de bord. Vous y trouverez de mes nouvelles et des recommandations artistiques et culturelles. Bonne lecture !!
Coucou tout le monde !
J’espère que vous allez bien. Je vous écris de Rennes, en tailleur sur un lit, accompagnée d’un verre de cidre. Aujourd’hui, je vous parle de mon rapport super prise de tête à Instagram.
Le week-end dernier, j’étais en week-end chez mon amie Diane. Un matin, j’ai trouvé ma belle amie assise devant une table de petit-déjeuner décorée d’un bouquet de jonquilles. Ni une ni deux, j’ai pensé qu’il serait bienvenu d’immortaliser ce joli tableau bucolique par un post Instagram (traduction: “ça fait 2 mois que j’ai rien posté GO !!!”).
Après la prise de la photo, est venu le moment de trouver une “bonne légende”. J’y ai passé la matinée. Éternellement instatisfaite (je laisse cette faute d’orthographe), je l’ai modifiée 15 fois et j’ai failli tout supprimer.
Ces derniers mois, je me suis prise à me poser des questions existentielles pesantes au moindre partage, à douter de moi à une baisse de likes et à supprimer des stories ou des posts que je venais de publier.
Il y a un mois, j’ai donc commencé à supprimer l’application à intervalles réguliers, officiellement pour calmer mon addiction, mais aussi pour me débarrasser de ce miroir dans lequel je me trouve peureuse, coincée et lâche. Je me suis demandée comment j’en étais arrivée à me prendre autant la tête et j’ai identifié plusieurs pistes.
1) Je ne sais plus quoi montrer
Depuis que j’ai ouvert un compte Instagram en 2014, j’y ai surtout montré mes dessins. En ce moment, je dessine moins et je ne sais plus quoi poster. Je ne vois pas l’intérêt de recycler des vieux dessins pour entretenir mon feed, et poster des photos de copains n’a jamais été trop mon truc (j’ai l’impression de vouloir montrer que j’ai des ami·e·s).
Depuis 2014, les usages ont beaucoup changé. Les stories n’existaient pas, les photos postées n’étaient pas aussi léchées et les feeds pas aussi soignés qu’aujourd’hui. Par exemple, celui de ma petite soeur de 18 ans est plutôt millimétré et minimaliste. Cette nouvelle tendance donne beaucoup d’importance aux posts sur le feed, comme le regrette la journaliste Haley Nahman dans sa newsletter Who are you online ? :
I don’t want everything online to self-destruct. I don’t like that the most impulsive content is now gone in 24 hours, and I resent that this has imbued anything posted to the feed with an air of importance—or more accurately, performance. I’ve never really wanted my internet presence to “represent” me like a one-sheeter on who I am. I find that stressful. As an increasing number of my followers are strangers to me, it’s made me more aware of the gap that exists between who I am online—much softer, less goofy, more careful—than I am offline. It’s as if I’m a muted version of myself in 2D, so self-conscious and censored. That’s the insecurity that drove me to post those three stories I ended up deleting; I hoped they might show a looser side of me, and then I became certain, ironically, that they felt forced. There are some things we simply can’t transmit digitally.
Bien sûr, tout le monde ne se censure pas comme ça sur Instagram. C’est sûrement une question de moments, mais aussi de personnalité. Je suis très admirative de la spontanéité et du naturel avec lesquels s’expriment certaines personnes en ligne, comme la journaliste Géraldine Dormoy, l’artiste Tara Booth ou même ma copine Anaëlle. Et encore, ça n’a pas l’air toujours facile…
2) J’ai trop envie de montrer quelque chose
En ce moment, il n’y a rien que j’ai naturellement envie de partager. Je dessine peu, mes assiettes ne sont pas encore cuites, l’atelier de céramique où je me suis inscrite a fermé pour un mois et je vis toujours dans ma chambre d’ado chez mes parents.
Depuis quelques mois, j’ai l’impression de vivre dans une salle d’attente : j’attends de déménager, de découvrir un nouveau quartier, de décorer ma chambre, de me rendre à des expos, de boire des cafés en terrasse, d’aller au théâtre, de rendre visite à des copines à l’étranger, de faire cuire mes assiettes, de retourner chez Clay Atelier, de faire un grand voyage…
Maintenant que j’y pense, il me paraît soudain normal de n’avoir pas envie de poster en ce moment, quand l’inspiration est au plus bas. Le vrai problème vient de l’habitude d’exister par Instagram, et de l’écueil de la publication vide d’intention. Il faut dire que l’algorithme d’Instagram pénalise l’irrégularité et les absences, ce qui encourage à poster coûte que coûte, quelle que soit la pertinence du contenu. Instagram oblige à être dans la performance et la régularité, alors que la créativité et l’authenticité nécessitent des temps de maturation, comme le dit très justement Jocelyn K. Glei dans l’épisode Who are you without the doing ? de son podcast Hurry Slowly (que j’adore).
L’autre soir, Géraldine Dormoy a animé le live “Instagram et moi” avec Lili Barbery, professeur de yoga très suivie sur Instagram. Cette dernière y raconte comment elle essaie de sonder son intention au moment de publier.
Je veux toujours savoir quelle est mon intention au moment de publier. Est-ce qu’elle part d’une énergie d’amour ? Ou d’une énergie de manque, parce que je ne me sentirais pas suffisamment aimée et que je chercherais à attirer de l’amour fugace, ne serait-ce que des compliments, des “t’es géniale Lili”, “bravo Lili” ? En anglais, ça s’appelle “fishing for compliments” et on sait tous comment y arriver, ce n’est pas compliqué. Parfois, je m’en rend compte quelques heures après. Et c’est pas grave, je laisse le post, ce n’est pas un marathon. Je me pardonne d’avoir été fragile et d’avoir laissé cette énergie de manque prendre les commandes.
3) J’ai peur de déplaire
Au cours du live, Lili Barbery raconte également comment son rapport au regard des autres sur Instagram a évolué ces dernières années.
On a tous un juge dans la tête. Une personne qui a représenté une autorité à un moment, qui n’a pas toujours approuvé ce qu’on faisait et qu’on a envie d’impressionner. Cette voix est souvent une projection d’une voix qui nous appartient, et je me suis beaucoup empêchée de faire les choses en écoutant cette voix. C’est un saboteur intérieur qui te dit “Ne fais pas ça, c’est ridicule! Que va en penser machine ?”.
Pour me protéger, je ne voulais être suivie que par des gens qui m’aimaient bien. Mais c’est tout le paradoxe d’Instagram : on peut être suivi par des gens qui trouvent ce qu’on fait complètement nul et qui adorent nous détester. Je sais qu’en ce moment, des gens regardent ce live en ricanant. Mais c’est le jeu.
Je me suis vraiment reconnue dans cette peur de n’être pas approuvée. Ses mots m’ont d’ailleurs rappelé un épisode sur Instagram qui m’a rendue un peu défiante.
Pendant le dernier confinement, j’ai partagé en story une vidéo d’une avocate qui soulignait le manque de clarté du texte de la loi de sécurité globale. Quelques heures plus tard, j’ai reçu une réponse assassine d’un vieux copain. J’étais prête à discuter avec lui pour comprendre son point de vue, mais ce dernier est parti dans une colère noire, m’a quasiment insultée et m’a reproché ma superficialité avec assez peu de tact: “tu passes plus de temps à publier des stories qu’à t’informer”. Sa colère et son mépris m’ont vite convaincue de mettre fin à la conversation, mais malgré cela et les excuses qui ont suivi, cette discussion a fait naître chez moi une petite méfiance. Pour la première fois, j’ai réalisé qu’Instagram n’était pas qu’un monde de bisounours, qu’une story pouvait déclencher des réactions violentes et que mes abonné·e·s comptaient peut-être des personnes qui ne m’aiment pas.
On est plus ou moins armé pour faire face à ce genre d’attaques. Chez moi, ce genre d’échange stimule vivement une peur de déplaire, de faire ricaner, de mettre en colère, ce qui casse toute la spontanéité et le plaisir que je peux avoir à m’exprimer sur les réseaux sociaux.
Toujours dans sa newsletter Who are you online, Haley Nahman rappelle que l’anxiété vis-à-vis des réseaux sociaux n’est pas anormale, que les simples mots ne suffisent pas toujours à nous comprendre les un·e·s les autres et que la première peur des humains est celle du rejet.
I’ll never forget interviewing a communication scholar years ago who told me that humans evolved to communicate and cooperate in person using not just words, but tone, context, and body language. She explained that when phones were invented, there was a barrier to understanding because facial expressions were lost, and when email became a primary mode of connection, tone was lost, and when talking to strangers online became the status quo, context was lost. Our tools have evolved faster than our biology. In other words, we are not ready. (…)
Anyway, it’s easy to shrug off social media anxiety as silly, or to assume that worrying about how we’re coming off online makes us vapid—and there is something undeniably narcissistic about it—but social belonging is at the center of society, and has been since the beginning of it. Humans fear ostracism more than death. Whether we’re extremely online or not, we’re making a choice about how we participate in modern life that has real social implications.
Le rapport aux plateformes est devenu un sujet quotidien pour beaucoup de monde. Et au-delà du problème de la captation de l’attention expliqué dans The Social Dilemma et dont j’ai parlé dans ma dernière newsletter, je trouve qu’on ne parle pas tellement des éléments psychologiques en jeu dans cette addiction (l’identité, l’égo, l’estime de soi…).
4) “Trop s’exprimer rend con”
Quelque part, cette newsletter me permet de m’exprimer autrement. Le format long oblige à plus de réflexion et d’incarnation que les formats courts d’Instagram qui permettent de partager une information alors qu’on n’a même pas pris le temps de se former un avis personnel sur la question.
L’agressivité de ce copain n’était pas normale, mais je le rejoins sur le fait qu’on partage trop souvent des contenus sans réfléchir ni vraiment les assumer. Et on s’expose sûrement à des retours moins bienveillants que lorsqu’on partage un avis incarné et réfléchi.
Dans son spectacle génial Bonne nuit Blanche, Blanche Gardin rappelle la différence entre réaction et opinion et souligne à quel point les réseaux sociaux amènent leurs utilisateur·ice·s à exprimer des premières pensées sans intérêt.
On parle en permanence. Vous vous rappelez avant, quand on disait : “les paroles s’envolent, les écrits restent”? On disait ça parce qu’on avait conscience qu’une tonne de ce qu’on pense en premier au sujet de quelque chose, c’est très souvent d’abord de la merde, hein ?
On ne le dit plus, parce qu’on écrit tout ce qu’on dit ! On ne filtre plus les premières pensées. On les offre en partage au monde entier: “Prenez, ceci est ma merde! Battez vous avec”. C’est comme si tu étais au restau et que le cuisinier, pour te faire patienter, t’apporte une assiette avec des épluchures de patates, éclaboussées de sang parce qu’il s’est coupé, et puis il t’explique pourquoi il s’est coupé… Il y a des étapes dont on a pas besoin d’être informé, ni conscient, quand on commande des frites.
Tout ce qu’on pense d’abord à propos d’un sujet, c’est d’abord une réaction à propos de ce sujet. On n’est pas obligé de tout partager. C’est important de défendre la liberté d’expression, bien sûr, mais je ne suis pas loin de penser que trop s’exprimer rend con. Tout simplement par un effet de vases communicants, parce que penser et parler, c’est pas la même action ! Donc forcément si tu parles beaucoup, c’est au détriment de l’autre action, c’est mécanique.
Petite annonce au passage :
Je cherche une chambre dans une colocation à Paris, pour le mois d’avril ou, encore mieux, le mois de mai (mes dates sont flexibles).
(N’hésitez pas à sauter ce passage si vous vous ne sentez pas concerné·e !)
Idéalement dans le centre ou dans le Nord-Est de Paris (mais je reste ouverte à toute proposition).
Idéalement à moins de 700€ par mois (mais je peux monter à 750€ si j’ai un coup de coeur).
Je recherche une chambre lumineuse avec bureau, pour pouvoir y travailler plusieurs jours par semaine, et assez grande pour y stocker tout mon bazar. Je préfère les endroits charmants aux appartements impeccables.
Le plus important pour moi : être sur la même longueur d’ondes que mes futurs colocs. J’aime beaucoup passer des moments en communauté mais je reste assez indépendante et je ne m’organise pas toujours à l’avance. J’aime les rencontres et les grandes conversations mais j’ai aussi besoin de moments de solitude où je suis “dans ma bulle”. Sans être une grande fêtarde, j’invite régulièrement mon copain et des ami·e·s à la maison. (Mon profil MBTI = ENFP, si ça vous parle).
Si une chambre se libère dans votre coloc ou que vous entendez parler d’un plan dans le style, n’hésitez pas à m’envoyer un petit mail ! Merci beaucoup !!
Ma revue de presse
L’épisode du podcast Histoires de succès avec l’auteur de science fiction Alain Damasio, qui y raconte son enfance, la stimulation intellectuelle de la prépa et la colère ressentie en école de commerce, la découverte de la philosophie et de l’écriture, son expérience de la paternité et l’éducation qu’il donne à ses filles.
Le langage est politique est un entretien passionnant avec la chercheuse en linguistique Maria Candea sur le pouvoir abusif et l’incompétence en termes de linguistique de l’Académie française, l’incohérence des arguments contre la féminisation du langage, et les dimensions historique, sociale et politique de la langue.
Sait-on assez que le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin ? Que l’Académie française, qui assure décréter ce qu’est le « bon français », est pour l’essentiel composée d’absentéistes ? Que les citoyens ont un mot à dire sur les choix qui gouvernent notre orthographe ?
Mon amie Charlotte m’a fait découvrir la très belle adaptation en chanson de Barbara, poème de Jacques Prévert, par les Frères Jacques. Je l’écoute en boucle depuis 4 jours.
La dernière interview de la newsletter Plumes with Attitude avec Sari Azout. Elle-même est autrice de la newsletter Check Your Pulse dans laquelle elle parle de start-ups, de design et d’innovation avec un angle assez intello, réfléchi et profond, et partage des liens vers d’excellents articles.
J’ai enfin regardé Seven, le célèbre thriller de David Fincher où jouent notamment Morgan Freeman, Brad Pitt, Gwyneth Paltrow et Kevin Spacey. Le scénario et les acteurs m’ont emportée, les décors m’ont fascinée, j’ai frémis d’horreur pendant 2h. Si vous ne l’avez pas vu, je vous le recommande vraiment, en vous prévenant quand même que le film est vraiment glauque (j’étais contente de ne pas le regarder toute seule).
Pour les adeptes de newsletters: La French Stack répertorie sur son site les meilleurs newsletters en français, par thèmes. J’ai fait de belles découvertes dans leur sélection.
“Deep work: The Complete Guide”, un article qui explique comment s’organiser pour bien travailler en reprenant les recommandations de Cal Newport, auteur du best-seller Deep Work (Rules for Focused Success in a Distracted World). Je dois reconnaître que la concentration et l’efficacité ne sont pas quelque chose de naturel pour moi et ce genre de contenus m’aident à me cadrer. D’ailleurs, si j’écris en ce moment-même, c’est que l’application “Self-control” (recommandée dans le guide) bloque quelques sites sur mon navigateur.
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui !
J’espère que vous apprécié la lecture de cette newsletter.
Si c’est le cas, n’hésitez pas à la recommander à un·e ami·e et à vous abonner si ce n’est pas déjà fait. Et n’hésitez pas à me répondre :-)
A bientôt !
Mes réactions, toujours à la lecture désordonnée de vos newsletters pleines de sincérité : je n’ai naturellement jamais eu l’envie d’être « usagère », « consommatrice » de réseaux sociaux. On m’y a poussé lorsque que j’ai dû retrouver un emploi après des années de pause parentale. J’ai commencé sur Linkedin (ma mère peintre et philosophe de 80 ans poste depuis très longtemps et parfois 10 fois par jour).
J’ai trouvé un emploi juste en traversant la rue, à l’ancienne ! Après, on m’a chargée de la communication de la boutique sur la page Facebook et demandé de le faire sur Instagram. Ce qui me plaisait, c’était de créer des designs sur Canva ou de faire de photos. Ce que je voyais sur les réseaux m’horrifiait dans la majorité des cas. J’ai cependant fait la connaissance de quelques personnes formidables sur Linkedin et même eu des nouvelles de personnes perdues de vue qui avaient compté pour moi à un moment de ma vie. Aujourd’hui, licenciée économique, je travaille toujours « gracieusement » sur un projet que j’avais créé de vente de coffrets gourmands et je me démène pour communiquer. Comment se faire remarquer sur un « marché » hyper saturé, inondé par les publicités sponsorisées à grands frais ensevelies sous une avalanche d’inepties ? Le « bon » existe mais il faut sacrément filtrer pour l’apercevoir dans ce torrent absurde d’inutilité. Lire vos lettres me rassurent et me réconfortent tant je m’étais mise à douter de l’évolution et la nature de la communication actuelle. Je suis soulagée que mes enfants aient échappé à ce « cataclysme » mais je crains pour ceux de mon compagnon. Ils semblent avoir été happés par une tornade bien qu’ils aient été protégés plus longtemps que la moyenne.
Vous êtes une chouette jeune femme !